QUEL AVENIR POUR LA DISTRIBUTION ?

© K. AVERTY

Les années 1990 ont vu la disparition des grossistes en matériel de grande cuisine, profession qui avait pourtant connu dans le passé son utilité économique et technique. De tels phénomènes, la disparition d'une profession ou d'un métier, surviennent régulièrement dans la vie économique de différents secteurs. Pourtant, l'évolution des structures d'activité n'est pas uniforme dans tous les pays développés. Les causes structurelles ne sont pourtant pas impératives. Dans certains pays, le dynamisme de certains métiers leur permet de se maintenir ou même de prendre de l'influence alors que, dans d'autres pays, ces métiers disparaissent au profit d'autres.

Sur le plan européen, le marché de matériels de grande cuisine est totalement stable sans nette progression dans le passé et dans le futur immédiat. Seule une légère augmentation de prix a permis de compenser une légère baisse des volumes. En revanche, les coûts matières et les coûts main-d'oeuvre de ces matériels n'ont cessé d'augmenter, avec l'augmentation des charges sur les salaires, la répercussion des 35 heures, mais aussi avec l'explosion des prix des matières premières. Le marché ne permet pratiquement pas de répercussion de ces augmentations de coût sur le prix du produit final auprès du client, restaurateur ou collectivité.

Baisse structurelle de la profitabilité

Les rentabilités des installateurs sont très faibles dans l'ensemble, voire négatives. Avec une tendance plutôt orientée vers la baisse de la profitabilité d'une grande partie des installateurs, on peut s'inquiéter du devenir de cette profession. Les clients finaux, eux, ne vont pas sensiblement diminuer. Les industriels implantés en France ou ailleurs continueront à construire des matériels. Ils seront sûrement moins nombreux dans dix ans du fait de concentrations prévisibles, ou de certaines faillites. Mais qu'en sera-t-il du distributeur ? Celui-ci, s'il n'apporte pas suffisamment de valeur ajoutée perceptible, peut être amené à disparaître. Un tel phénomène d'écrasement de la distribution peut avoir plusieurs sources. D'une part, la fragilité croissante des industriels les pousse à rechercher une réduction de la chaîne de distribution. D'autant que le mécanisme des appels d'offre a poussé les prix à la baisse. Les industriels recommencent, semble-t-il, à vouloir intervenir directement sur le marché. Et cela afin de mieux maîtriser leurs grands comptes et de freiner la baisse des prix. Ces industriels sont amenés à prendre en direct des ventes en traitant à des «prix industriels» avec de très gros acheteurs, en court-circuitant la distribution et en laissant à cette dernière une commission de suivi de chantier ou d'apporteur d'affaires. L'industriel qui passe un contrat de vente avec le client final rétrocède une partie de la marge à l'installateur.

Mais, phénomène plus grave, l'installation peut être organisée par le gros client qui rémunère de tout petits installateurs pour effectuer le travail de montage.

Disparition à terme de la rémunération commerciale

Les installateurs voient dans cette évolution la disparition de la marge qui leur revenait et qui était liée à leur activité de commercialisation. Le schéma classique de remise par l'industriel sur le prix catalogue au bénéfice de l'installateur est totalement bouleversé. L'industriel la rétrocède en fait au client final de ses grands comptes auprès desquels il intervient directement.

L'installateur ne peut plus alors assurer la prospection et la gestion de ses actes de vente, puisqu'il n'en a plus la rémunération, mais n'assure pas non plus le coût de ses stocks et de sa structure administrative. Bien que, depuis cinq à six ans, plusieurs installateurs ont compris que leurs marges devraient provenir aussi de leur activité service, trop nombreux sont ceux dont la marge reste entièrement dépendante ou presque de leur activité de vente.

Les taux horaires sont encore dramatiquement bas dans les activités de service, avec des cas à 37 #euro; de l'heure, alors que le coût réel, charges incluses, revient à au moins 30 #euro; de l'heure. Les 7 #euro; restants ne peuvent couvrir les frais de structure (magasin, pièce détachée, personnel d'administration-SAV, etc.). Avec de tels taux horaires facturés et la diminution des marges commerciales par des liens directs de l'industriel avec le client final, l'installateur se trouve à terme condamné.

Des coefficients obsolètes

En Grande-Bretagne, avec une telle évolution, une partie importante des installateurs a disparu pour une activité de «dealer», c'est-à-dire de simple intermédiaire et pour une structuration de l'activité service au profit de chaînes nationales uniquement dévolues au SAV. D'ailleurs, des industriels avec une distribution intégrée commencent à réfléchir dans ce sens en pensant à une organisation nationale traitant uniquement du service. Ce défaut de gestion de la part de certains installateurs ne se retrouve pas uniquement chez les plus petits. Malgré des achats de matériel auprès d'industriels européens non représentés en France qui leur ont amené des approvisionnements moins coûteux, on peut constater que cet avantage ressource a été presque totalement dilapidé dans des remises de prix pour séduire les clients finaux. Surtout des collectivités. Cette erreur d'appréciation vient d'une pratique de la profession des installateurs qui définit ses prix de vente selon un coefficient appliqué sur le prix d'achat obtenu par cet installateur. Le coefficient de 1,20 qui suffisait il y a vingt-cinq ans lorsque les prix relatifs étaient beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui, se révèle aujourd'hui désastreux après des années de baisse de prix. Ce coefficient sur prix d'achat aurait dû augmenter au fur et à mesure que ces prix d'achat baissaient pour couvrir l'augmentation des coûts de structure. Car ce ne sont pas que les salaires du personnel et leurs charges qui ont augmenté. En effet, les clients finaux se révèlent de plus en plus exigeants vis-à-vis des installateurs en demandant beaucoup plus de documents et des suivis de chantiers beaucoup plus précis ainsi que des présences régulières à des réunions de chantier plus longues et plus nombreuses.

Trop d'installateurs multiactivités se révèlent perdants dans leur activité grande cuisine, ce qui n'est pas sain, surtout dans le cas d'entreprises de taille moyenne ou importante.